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S'expatrier en Espagne : témoignage et conseils après 9 ans

  • Photo du rédacteur: Manon
    Manon
  • 26 juin
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 juil.

Si vous avez lu mes articles concernant le PVT Canada, vous savez que je vis actuellement à Montréal. Cette aventure m’a permis de faire des rencontres incroyables, dont celles de Clémence et Manu. Nous sommes arrivés au Canada à peu près en même temps, à quelques jours près.


Ce jeune couple, dans la trentaine, nous vient tout droit de Lyon. Manu est commercial, et Clémence est designer sonore. Ils ont une grande expérience du voyage : Manu a vécu un an en Australie, et Clémence a passé neuf ans en Espagne. C’est Clémence qui nous intéressera plus particulièrement aujourd’hui !



Son expérience personnelle


Qu’est-ce qui t’a motivée à partir vivre à l’étranger ?


Je voulais faire une pause dans mes études supérieures et partir comme fille au pair à l’étranger, j’adorais m’occuper d’enfants et l’idée de vivre une expérience à l’étranger me plaisait beaucoup.


Pourquoi as-tu choisi l’Espagne pour ton expatriation ?


J’ai toujours été en amour avec l’Espagne, au collège, en 3ème, j’ai fait un voyage scolaire là-bas. J’ai le souvenir de descendre les Ramblas de Barcelone et de me dire « quand je serai plus âgée, j’habiterai ici ». Et puis j’y suis repartie en 2009, en voyage avec des amis de la fac et ça n’a que confirmé le coup de cœur que j’avais pour cette ville. Après mes études, j’ai commencé à chercher une famille en Espagne, et je suis partie y vivre le 2 septembre 2010.


Dans quelle ville as-tu vécu et pourquoi ce choix ? 


J’ai vécu à Barcelone. J’ai vraiment aimé cette ville, la mer, l’architecture. J’aimais bien également Valence, mais je n’avais pas le même ressenti, donc gros coup de cœur pour Barcelone.


Comment s’est passée ton arrivée ?


Ça a été facile grâce au fait que je sois fille au pair. De par mon voyage précédent, j’avais déjà des repaires dans la ville. Je me suis vite fait une copine Française, Marion, puis je me suis inscrite avec elle dans une école espagnole. J’étudiais la langue depuis la 4ème. J’ai rencontré tous mes potes dans cette école. L’avantage, c’est que dès que la petite était à l’école, j’avais du temps libre. Donc, j’en ai profité pour me faire des copines, beaucoup de filles au pair Françaises et Allemandes. Puis j’ai rencontré tout un groupe de Péruviens, et grâce à eux, on a pu rencontrer des Catalans. Au fur et à mesure j’ai pris mes marques, je me suis fait un groupe d’amis et j’avais ma routine ou presque. 


Quelles sont les étapes à respecter pour une arrivée réussie ? 


Premièrement, je pense qu’il faut être certain(e) que c’est bien l’endroit où tu veux être qui va te plaire. Deuxièmement, même si c’est un pays européen, il faut tout de même, s’organiser un minimum. Il faut faire tous ses papiers (assurance européenne de santé, etc.), penser à un budget, par exemple, moi je savais que je voulais m’inscrire dans une école, donc j’avais prévu ce détail sachant que j’avais une paye d’au pair de 250 € par mois, j’étais nourrie, logé, blanchie certes, mais je conseillerais de toujours prévoir un budget d’urgence. Il faut aussi se renseigner sur la ville, son mode de vie, de fonctionnement. 



Le mode de vie en Espagne


Comment décrirais-tu la culture espagnole par rapport à celle de la France ?

 

Ce qui est bizarre, c’est que nous sommes deux pays voisins, mais la culture est complètement différente. En général, ils sont moins stressés, il fait relativement chaud toute l’année, donc tu as une sorte d’ambiance estivale tout le temps, une douceur de vivre. Les gens « vivent » relativement dehors. Au début, ce qui était difficile pour moi, c’était le décalage des repas, par exemple, le week-end on ne déjeunait jamais avant 15 h et le soir, on dînait après 21 h 30.


La différence de culture se fait ressentir aussi sur notre différente histoire. C’est un pays qui a été marqué par la dictature de Franco, surtout la Catalogne et la répression anti-catalane mise en place. C’est un sujet important pour eux et très facilement sensible.


Y a-t-il des grandes différences dans le quotidien ? 


Oui et non ! Mais je pense à nos « façons » de manger, mais aussi le décalage horaire dans les tâches quotidiennes sont peut-être les plus grandes différences. Je parle beaucoup de bouffe, mais comme une bonne française que je suis, la nourriture c’est le Graal. Il y a aussi une différence dans le fait que c’est moins commun de recevoir chez soi, si on se voit, c’est en dehors. 


Qu’est-ce qui t’a le plus surpris en arrivant ? 


Comme j’en ai déjà parlé au-dessus, je pense que ce sont vraiment les horaires. Par exemple, les magasins ferment tard, les gens vont dîner au restaurant tard, les enfants se couchent tard... Bref on vit plus tard quoi ! Je me rappelle également que tout ce qui touche à l’administratif, c’est bien plus rapide et facile qu’en France.


Quels aspects de la vie en Espagne t’ont particulièrement plu et déplu ? 


À la base je viens d’un petit village de Bourgogne, donc habiter dans une grande ville au bord de la mer qui en plus est à l’étranger c’était génial. J’ai pu découvrir plein de choses. Une nouvelle façon de vivre, une nouvelle langue, etc. J’aimais le fait que la vie était moins stressante. Le dimanche tu pouvais profiter, être en terrasse avec tes amies, faire les magasins, etc. J’aimais ce sentiment de liberté. Là-bas, tu veux prendre le train, tu n’as pas besoin de checker les horaires, tu vas à la gare, tu prends ton ticket et tu sais qu’il y aura un train toutes les 15 minutes. En tant que fille, je me sentais plus tranquille et plus en sécurité. La nuit, quand je rentrais chez moi, je n’étais jamais en stress ou je n’avais pas peur qu’il se passe quelque chose de grave. Et j’aimais le fait qu’il y ait moins de barrière, le vouvoiement n’existe pas ou presque.


Pour les côté plus négatifs, c’est assez difficile de se faire des amis Catalans. Je ne dis pas que c’est impossible, mais ce n’est pas le plus simple. Pour eux les amis seront toujours moins importants que la famille. C’est difficile d’organiser des choses avec eux parfois. Une autre chose que je n’aimais et que je n’aime toujours pas de Barcelone, c’est le fait qu’il y ait beaucoup de pickpockets et de vols. Il faut tout le temps faire attention à ses affaires. 


Est-ce que la vie est chère en Espagne ?


En 10 ans et plus, ça a énormément augmenté. Quand je suis arrivée en 2010, le coût de la vie n’était pas si élevé.


Là-bas, tu vis beaucoup en colocation, et ce à tout âge, en 2010 tu pouvais avoir des chambres pour 250, 300 € par mois. Quand je suis repartie en décembre 2019, tu n’avais plus rien en dessous de 400 €. En plus, il y a un vrai problème entre l’offre et la demande.


Je me souviens qu’un gros plein de course me coûtait à peine 60 €, à la fin de mon aventure, tu avais la moitié d’un caddie à ce prix-là.


Le salaire moyen est moins élevé, certaines personnes doivent parfois faire 3 travails pour avoir une vie convenable.



Le travail et l’intégration


As-tu travaillé en Espagne ? Si oui, quelles sont les différences avec le marché du travail français ?


Comme je l’ai dit, ma première année, j’étais fille au pair. Ensuite, je suis rentrée 6 mois à Paris, et je suis revenue définitivement fin août 2012 à Barcelone. J’ai repris une école privée de visuel merchandising, puis j’ai fait un stage (non rémunéré) dans un magasin de luxe. Ça me laissait le temps de faire du baby-sitting les après-midi pour me faire un peu d’argent. J’ai aussi travaillé en tant que vendeuse dans plusieurs magasins du groupe Inditex. Ce qui m’a permis, d’être embauchée dans une petite boutique indépendante de prêt-à-porter pour hommes. Je tenais moi-même la boutique, je m’occupais du visuel, etc. Mon patron avait plusieurs magasins dans Barcelone et un autre en dehors, j’ai travaillé dans toutes ces boutiques pendant 1 an et demi. En même temps, je continuais les baby-sittings ponctuels. C’est comme ça que j’ai eu l’occasion de rencontrer mes derniers patrons de Barcelone. Ils étaient les parents de deux enfants que je gardais. On échangeait souvent ensemble sur leur travail et leur boîte ; ils ont eu besoin à un moment donné d’une nouvelle personne francophone dans la team. Perso, je commençais un peu à me lasser de mon travail en boutique alors j’ai accepté. J’ai fini mes 5 dernières années en tant que designer sonore, travail que j’exerce toujours 10 ans après.


Est-il facile de trouver un logement ?


Non, comme je disais, le plus simple sera de trouver une colocation. La première que j’ai faite, était dans un des appartements que possédait un couple d’amis de ma famille au pair.


Quand j’ai dû quitter ce premier appart, les recherches ont été plus compliquées. Je ne voulais pas être dans une coloc avec beaucoup de gens, je ne voulais pas être dans un taudis, j’avais un peu peur aussi de me retrouver avec des gens que je ne connaissais pas et que le feeling ne passe pas. À la même époque, un de mes potes Péruviens, Javier, devait changer d’appartement aussi.


Donc, on a décidé de chercher ensemble et c’est comme ça que l’on a vu l’annonce intéressante de Sophie, une Française, qui se retrouvait avec deux chambres à louer. On a tous les deux emménagé dans cet appart, Javier pendant 2 ans et demi, Sophie et moi pendant plus de 6 ans. Ça a été mon deuxième et dernier appart jusqu’à mon départ en décembre 2019. J’ai eu beaucoup de chance, par rapport à certaines personnes qui changeait d’appartements tous les 6 mois. Du jour au lendemain, les proprios pouvaient te mettre dehors pour récupérer leur bien ou t’augmenter le loyer sans aucune limite. Il y a eu des lois pour ça d’ailleurs depuis.


As-tu trouvé qu’il était facile de s’intégrer en tant qu’expatriée ? 


Hum.. oui et non. En Catalogne, parfois, la barrière de la langue (le catalan) peut rendre certaines situations plus complexes qu’elles ne devraient l’être. Comme je disais, rencontrer des locaux et créer des amitiés reste plus difficile que de se créer un groupe d’amis issus de l’immigration/expatriation également. J’ai eu plus d’amis latinos : Péruviens, Mexicains, Vénézuéliens, etc. Mais ça, c’est valable dans tous les pays du monde je pense, regarde ici à Montréal, c’est la même chose. Et puis, je ne veux pas faire une généralité, j’étais en Catalogne, peut-être que c’est différent dans le reste de l’Espagne. Mais finalement, après plusieurs années, là-bas, j’ai eu cette chance de devenir très amies avec des Catalans, et qui le sont encore aujourd'hui.


Comment se sont passées les démarches administratives ? 


Quand j’étais fille au pair, je ne me suis pas occupée de ça. Mais à mon retour en 2012, j’ai dû obtenir mon NIE qui est ton numéro d’identité d’étranger. À l’époque, tu devais te rendre dans un commissariat, tu ne pouvais pas prendre de rendez-vous à l’avance, donc tu faisais la queue très tôt le matin jusqu’à pouvoir avoir une place. Aujourd’hui, ce n’est plus comme ça. Avec ton NIE, tu peux avoir un compte bancaire, un forfait téléphonique, un contrat de travail, etc.


Côté santé, dans chaque quartier il y a un CAP (centre de soins de santé primaires publique) où ils peuvent t’attribuer un médecin, ils ont aussi un service d’urgence. Les soins spécifiques sont moins remboursés qu’en France. La mutuelle n’est pas obligatoire au travail, tu peux la prendre à part.


Si tu vis là-bas plus de 2 ans, il faut échanger le permis de conduire français pour un permis espagnol. Mais en général, en étant qu'européen, il y a quand même une facilité dans les papiers. Je vois bien la différence avec toutes les démarches que j’ai dû faire ici au Canada.



La langue et la communication


Parlais-tu espagnol avant de partir ? Si non, est-ce que ça a été difficile d’apprendre la langue ?


Comme je disais, depuis la 4ème je l’apprenais. À la fac, j’ai arrêté l’anglais pour continuer l’espagnol. On va dire que je parlais un espagnol scolaire. Les premières semaines, quand ma famille m’envoyait faire des courses, j’écrivais sur un petit papier des phrases déjà toutes faites parce que je craignais de faire des fautes. 


Mais non, ce n’a pas été difficile. Ça reste une langue latine et elle n’est pas complexe à apprendre. En revanche, il faut fournir un effort sur l’accent. En ce qui concerne le catalan, je le comprends, mais je ne le parle pas très bien.


Comment les Espagnols réagissent-ils face aux étrangers qui ne parlent pas bien la langue ? 


En Catalogne, ça peut poser des problèmes par rapport aux Catalans. De toute façon, avec ma tête de touriste, très souvent, on me parlait en anglais. Et ce, même si je suis bilingue. Es lo que hay ! (= c'est comme ça !).


Le niveau d’anglais des Espagnols est-il suffisant pour un expatrié ne parlant pas espagnol ? 


En général, le niveau d’anglais n’est pas incroyable. La meilleure solution reste de savoir parler espagnol. Parfois, tu peux rencontrer des gens qui parlent un peu français.


Mais à Barcelone tu as beaucoup d’expatrier Français car tu as beaucoup d’entreprises françaises implantées qui embauchent.



Les défis et conseils


Quels ont été les plus grands défis auxquels tu as été confrontée ? 


Mon plus grand défi pendant toutes ces années a été d’arriver à avoir la sensation d’avoir une vie stable. À Barcelone, tu peux vite avoir une vie pas très saine : beaucoup de soirées, sorties, et tout ce qui va avec. J’ai toujours essayé de rester éloignée des excès. Professionnellement, j’avançais, mais personnellement, ça restait au point mort. Je sentais que je commençais à ressentir le décalage avec mes amis de France.


Si c’était à refaire, changerais-tu quelque chose ? 


Je ne changerai rien. Ou alors peut-être certains de mes choix professionnels, essayer de faire d’autres stages et de persévérer dans le domaine du merchandising que j’aimais beaucoup.


Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite s’installer en Espagne ? 


D’y aller en sachant vraiment ce qu’il veut faire là-bas. Ne pas partir du jour au lendemain. Ce n’est pas parce que tu y es allé 5 jours en vacances que la vie sera pareille et aussi cool. Il y a du bon et du mauvais comme n’importe où.


Quels sont les pièges à éviter en tant qu’immigré(e) ? 


Ne pas tomber dans la faciliter du petit job peu intéressant qui te permet juste de survivre. Ne pas tomber dans l’excès de la fête et te perdre dans ça.  

Essayer de ne pas rester qu’entre personnes de ta nationalité et donc de ne pas faire l’effort de bien parler la langue du pays. 



Le dilemme du retour


Pourquoi as-tu quitté l’Espagne après 9 ans ? 


Je commençais en avoir fait le tour, j’avais peur de finir par détester cette ville que j’aimais tant, car je trouve parfois qu’elle a mal évolué. Elle a un peu perdu de son charme, tout est fait pour les touristes. Ça faisait longtemps que je voulais rentrer en France, mais je n’arrivais pas, car rien ne m’attendait en France. Mais pendant l’été 2019, ma coloc est partie pour l’Australie. Mon directeur de boite souhaitait fermer à Barcelone et mon propriétaire voulait vendre son appartement dans lequel j’étais. C’était un peu un enchaînement de plein de choses qui ont fait que j’ai pris ma décision de quitter l’Espagne le 24 décembre 2019.


Qu’est-ce qui te manque le plus de l’Espagne aujourd’hui ? 


Le mode de vie, le climat, la douceur de vivre, te dire à 15 h, on prend le train pour aller manger une paella au bord de mer, ça fait un peu cliché, mais c’est vrai. 


Barcelone me manque et malgré ce que j’ai dit juste avant. Le fait de parler une autre langue me manque, mes amis me manquent. Tout, en fait, c’est plus ma ville, mon chez moi que Lyon.


Te verrais-tu y retourner un jour ? 


Oui, Manu aussi (son conjoint). C’est moi pour l’instant qui ne veut pas et qui retarde un possible retour. Mais dans quelques années, certainement.


Est-ce que c’était difficile le retour en France ?


Au début, oui, durant les premières semaines, je suis retournée dans ma famille en Bourgogne. Tous les jours, je me demandais ce que je faisais là, c’était vraiment difficile. Je suis passée d’une vie à 100 à l'heure entourée de mes amis, à ma propre famille avec qui un énorme décalage s’était créé en presque 10 années. 


J’hésitais pour la suite, entre aller à Lyon ou à Paris. Finalement, je suis allée à Lyon où j’ai trouvé un boulot dans ma branche.


Et là petit à petit, j’ai retrouvé des marques, et ça a commencé à aller mieux. Mais un retour après avoir vécu tant d’années à l’étranger n’est pas simple ça, c’est certain.


Femme de dos contemplant la vue panoramique sur la ville de Barcelone, avec ses toits caractéristiques et monuments emblématiques.
Crédit photo : Clémence

Un grand merci à Clémence pour cette super interview ! Son expérience en Espagne est à la fois inspirante et pleine de réalisme. C’est exactement le genre de témoignage qui donne envie de tenter l’aventure à l’étranger, tout en rappelant qu’il ne faut pas partir sur un coup de tête : bien se préparer et réfléchir en amont, c’est essentiel !


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